Cartes construites à partir des données de la Métropole et de données récoltées par l’équipe

1.A.01
Les Côtes de niveau : géologie et fabrication au long cours des paysages

Mise en lumière des paysages de Côtes
Carte de la géologie : du limon de la vallée de la Moselle aux couches calcaires et argileuses des Côtes

Des côtes qui ondulent autour du Bassin parisien

(Crédits : BRGM - Synthèse géologique du Bassin de Paris - Mémoire du BRGM n°102 1980 - Carte géologique G1)

Pour comprendre la formation des Côtes de Moselle, il faut comprendre la formation du Bassin parisien.

Sans entrer dans une chronologie exhaustive des étapes de sa formation, attardons nous sur les trois phénomènes principaux qui se sont joués successivement et alternativement sur des millions d’années :

Ces différents phénomènes se sont enchaînés, façonnant petit-à-petit les reliefs actuels du Bassin parisien.

L’ère secondaire (de -245 Ma à -65 Ma) est considérée comme l’ère des dépôts sédimentaires, mais ce Bassin a connu, sur 180 Ma, des mouvements tectoniques et des phases érosives.
Il fut occupé par des mers généralement peu profondes et des lacs. Des fracturations et un basculement du socle en ont progressivement dessiné la forme. Au fil du temps et à mesure qu’il s’enfonçait, des sables, des argiles issus de l’érosion des reliefs et des calcaires se sont accumulés sur le bassin. L’épaisseur totale de ces roches peut atteindre parfois 3000 mètres ! Le poids de ces roches accentue le bassin : c’est le phénomène de subsidence.

Ces sédiments constituent aujourd’hui des couches qui se superposent, affaissées en leur centre, s’inclinant sur les bords (c’est le pendage). Les couches sont un peu comme des assiettes empilées de plus en plus petites sur le haut de la pile. Le bord visible de chaque assiette correspond donc à une couche plus ancienne.
Les couches les plus anciennes apparaissent donc sur les contours du Bassin et de manière très prononcée à l’Est. Les couches constituées au Trias correspondent aux Vosges gréseuses.

(Crédits: BRGM/RP - 59248 - FR février 2011)
Crédits: ULB - Geog-F-102-TP - B. Van Liefferinge
Formation des cuesta (Crédits: fond de carte ULB - Geog-F-102-TP - B. Van Liefferinge, complété par J. Gallier)

L’ère tertiaire est marquée par le retrait définitif de la mer et donc la fin des dépôts sédimentaires. Durant cette période et la suivante, des déplacements de plaques tectoniques provoquent l’apparition des Pyrénées et des Alpes. Cette formation a induit des compressions, des failles, des soulèvements (jusqu’à 1 km d’amplitude) et des ondulations très importantes.

L’érosion agit de manière différente sur les roches dures et sur les roches tendres, faisant apparaître des cuestas.

La Côte de Moselle est une cuesta bajocienne, du nom de la période appartenant au Jurassique – le Bajocien supérieur. Les roches de cette période sont constituées de calcaire oolithique dur, ce qui fait de cette côte une ligne très dessinée en Lorraine, comme le sont celles de Meuse ou des Bars qui apparaissent sur la carte ci-dessous.

Crédits: Fond de carte d’Yvonne Battiau-Queney_Le relief de la France - Coupes et croquis_Masson géographie - 1993_Complété par Jean Gallier


Une côte entaillée, un profil particulier, des promontoires sur la vallée

Les Côtes de Moselle constituent la limite Ouest de la vallée de la Moselle. Le relief est très marqué et joue le rôle d’un repère sombre et linéaire à des kilomètres à la ronde. Le dénivelé entre le point bas des Côtes et son point haut peut varier entre 150 et 200 mètres.

Les Côtes de Moselle depuis Ancy-Dornot.

La Côte de Moselle est orientée nord-sud et est entaillée par des vallées perpendiculaires à son orientation. Dans le périmètre du Plan Paysage, les vallées qui se succèdent, du sud vers le nord, sont les suivantes :

La Côte de Moselle est composée de versants boisés. La forêt de feuillus épouse la forme arrondie du point haut de la côte. Plus au sud du périmètre du Plan Paysage, la Côte de Moselle présente un profil plus anguleux (manifeste au Rocher de la Fraze par exemple).
À mi-pente, où le relief marque souvent un léger replat, prés et vergers se sont implantés.

Exemple d’implantation des milieux et dynamiques végétales : la Côte au niveau de Saulny.
Vue depuis les hauteurs de Saulny sur la vallée du Ruisseau de Saulny qui entaille la Côte.
Vue saisissante depuis les hauteurs de Châtel-Saint-Germain, promontoire sur la vallée de Montvaux et la vallée de la Moselle dans le fond.


Et sous nos pieds ? Le sol, paysages visibles et invisibles

Le voyage que nous venons de faire dans le temps nous invite à prendre conscience du caractère si éphémère de notre passage sur Terre, du temps qui a été nécessaire pour façonner le socle rocheux profond sous nos pieds et également de celui nécessaire pour créer le sol fertile sous nos semelles.
La roche crée les conditions du sol qui se génère sur son dessus.

Il faut aussi envisager le sol comme un milieu qui a son propre fonctionnement, sa structure, ses habitants…

Pour mieux comprendre, laissons la parole aux spécialistes des sols Lydia et Claude Bourguignon :

Le sol est un milieu fragile qui est vite emporté par l’érosion si l’on ne respecte pas ses lois. C’est ce qui aurait fait dire à Chateaubriand :  » La forêt précède l’homme, le désert le suit « .
Pour connaître les lois de fonctionnement du sol, il faut étudier les milieux sauvages qui existent depuis fort longtemps et ont donc fait la preuve de leur durabilité. Les écosystèmes sauvages les plus anciens sont les grandes forêts équatoriales qui ont des centaines de milliers d’années. Ils sont pérennes, dans un milieu apparemment hostile (soleil intense et de fortes pluviométries), grâce à une immense biodiversité que nous commençons seulement à découvrir. Dès que cette complexité est détruite par l’agro-industrie, pour être remplacée par des modèles simplistes de monoculture (de palmier à huile de soja ou de maïs OGM par exemple), les sols s’érodent et perdent leur fertilité.
Plutôt que de détruire ces milieux, il nous faudrait d’abord les étudier et s’en inspirer afin de développer une agriculture durable. C’est bien d’une recherche fondamentale sur les sols sauvages qu’a besoin l’agriculture de demain. Mais cela ne pourra se faire à condition que les États prennent en charge la recherche agronomique qu’ils ont confiée depuis longtemps à l’agro-industrie. Et comme toutes les industries, celle-ci s’intéresse à son profit avant l’intérêt général. Il apparait ainsi que c’est aux États de mener une recherche agricole qui bénéficierait à tous et toutes, car il est de leur devoir de nourrir, de donner à boire à leurs populations, de les protéger et de les soigner. Et parce que les États n’assument plus ces devoirs fondamentaux, on assiste à l’explosion des inégalités, du chômage et de la malnutrition, qu’elle soit malbouffe ou disette.
Un sol forestier sur les Côtes.
Voyons comment l’étude d’un milieu sauvage pourrait nous aider à faire naître une agriculture durable en France. Pour cela, étudions un sol forestier de chez nous. Ce milieu n’a certes pas l’âge des forêts primaires, car il n’y a plus de forêt vierge en Europe, mais il a le mérite d’être au repos depuis souvent plus de cinquante ans et a donc récupéré en partie son équilibre.
Les forêts françaises poussent sous un climat tempéré, donc avec des périodes hivernales lors desquelles le sol est froid et donc peu actif. Les arbres entrent alors en hibernation et pour se faire, font tomber leurs feuilles et leurs branches mortes sur le sol aux premières gelées d’automne. Cette litière est mangée par une faune dite épigée qui transforme la litière en excréments, c’est-à-dire en éléments finement broyés, facilement attaqués par les champignons qui transforment la cellulose et la lignine en humus.
La première conclusion que nous pouvons tirer de cette observation est que la formation de l’humus se fait à la surface. Les champignons sont les seuls organismes (à part quelques rares bactéries peu actives) à attaquer la lignine pour la transformer en humus ; tous les champignons sont aérobies, c’est-à-dire qu’ils ont besoin d’oxygène et vivent dans les dix premiers centimètres du sol. Il ne faut donc jamais enfouir de matière organique dans le sol, sans quoi on bloque sa formation.
Cette observation simple d’un sol forestier nous permet de saisir le paradoxe de notre agriculture. Alors qu’en 1900, les paysans produisaient 2-3 tonnes de paille à l’hectare et avaient 4 % de matière organique dans leurs sols, les céréaliers produisent désormais 5 à 6 tonnes de paille à l’hectare pour des sols qui n’ont plus que 2 % de matière organique. En 1900, les paysans n’ajoutaient pas d’azote, qui favorise le travail des bactéries minéralisatrices de la matière organique, et comme ils labouraient superficiellement à l’aide de chevaux, il n’enfouissaient pas les pailles et les fumiers hors d’atteinte du travail des champignons.

Continuons d’observer ce qui se passe dans le sol forestier. La faune épigée se divise en espèces attaquant les parties tendres des feuilles, ce sont les collemboles qui transforment les feuilles mortes en dentelles. Puis viennent les acariens, qui attaquent les parties plus dures. Ces deux groupes sont de petite taille mais très nombreux, on peut en compter plusieurs milliards à l’hectare. Enfin, les mille-pattes et les cloportes attaquent les bouts de bois et les parties dures de la litière. Toute cette faune en circulant, en mangeant et en éliminant ses excréments, transforme le sol de surface en une sorte de « couscous », lui conférant une forte perméabilité, de l’ordre de 150 millimètres d’eau à l’heure. À l’inverse, un limon labouré, pauvre en faune épigée, a une perméabilité inférieure à 10 millimètres d’eau à l’heure.
La deuxième conclusion que nous pouvons tirer est que, lorsque la matière organique reste bien à la surface du sol, la faune épigée aère le sol par ses galeries et ses fèces, lui conférant une grande perméabilité. Ainsi, lorsque la pluie tombe en automne et en hiver, soit lorsqu’il fait froid (plus l’eau est froide, plus elle est riche en oxygène), elle s’infiltre bien et permet aux racines de croître en profondeur et aux plantes de bien se nourrir et de mieux résister à la sécheresse estivale.
Extrait de Manifeste pour une agriculture durable, Actes Sud, 2017.

Les différentes étapes de la formation géologique du socle et des sols marquent en profondeur les paysages actuels. Pourtant, ceux-ci ont connu de nombreuses transformations au cours des derniers siècles et décennies, du fait notamment de l’évolution des activités agricoles et de l’urbanisation, de l’accélération de la construction et de la place galopante prise par la voiture dans les aménagements de notre société.

Allons voir cela de plus près ! (vous n’avez qu’à cliquer sur la ligne juste en dessous)